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La Semaine Sainte en Pologne

Dans la Pologne ancienne, on jeûnait 40 jours : du mercredi des Cendres et jusqu'à Pâques. Ce carême était le plus long et le plus important de l'année. Toutefois, dans la tradition polonaise, ce n'était pas la quantité de nourriture qu'on restreignait, mais en principe seulement la viande. On n'épargnait pas son estomac. Il était impossible de contrarier une solide tradition de goinfrerie. La Pologne, ce sont les Polonais. Et une nourriture abondante est l'un des traits saillants de cette identité ensemble. En vue de ce carême, on accumulait bien à l'avance de la nourriture, principalement des harengs, salés dans de grands fûts, des poissons fumés ainsi que des conserves de poisson. On amassait des pommes de terre, on préparait des "kompot" (non pas "compote", mais boisson aux fruits cuits dans leur jus) et des gâteaux. Devant une telle table, personne en principe n'avait de quoi se chagriner.

On mangeait alors des pommes de terre bouillies auxquelles on joignait des harengs à l'oignon, souvent avec de la crème ou de l'huile, des poissons fumés avec du fromage blanc et des câpres, de la soupe de chou aigre, mais cuite à partir d'un bouillon de légumes, sans viande. Et aussi et surtout le żurek, la soupe préparée à base de farine fermentée, avec ajout de pommes de terre et de champignons. Pendant la Semaine Sainte, on préparait les plats traditionnels de Pâques. On chassait du gibier à plumes ou on rassemblait des chapons et des dindes.

On préparait le levain pour les gâteaux, car ce sont bien les gâteaux qui constituaient l'ornement des tables pascales polonaises. Les gâteaux à pâte levée étaient appelés en Pologne "Baba". Ils devaient être bien gonflés, légers comme un duvet. Une pâte faite de farine de froment blanche et d'une bonne quantité de jaunes d'œuf (on recommandait par exemple un litre de jaunes pour deux verres de farine), mélangés avec du sucre, assaisonnée de safran dilué dans de la vodka, et dans laquelle on ajoutait finalement des amandes moulues, des raisins secs et le levain préparé soigneusement à l'avance avec de la levure. La pâte était versée dans des moules et recouverte d'une nappe de lin. On fermait en outre toutes les portes et fenêtres de la pièce, afin que les Babas "n'attrapent pas froid". On parlait à voix basse, car on considérait que le tapage et le brouhaha dérangeaient la délicate pâte pendant qu'elle "montait". Pendant qu'elle mûrissait dans les moules, il était interdit aux hommes de pénétrer dans la pièce. Leur seule présence pouvait avoir pour la pâte des effets néfastes. Après la cuisson, les "babas" atteignaient une hauteur de 35 cm, on les enveloppait d'édredons moelleux pour leur permettre de refroidir paisiblement.

wielkanoc9.jpgOn cuisait aussi d'autres gâteaux de Pâques, le cheesecake (sernik), les tartes à la crème et le mazurek pascal, avec un fond de pâte croustillante surmonté d'une masse aux fruits confits. On préparait à part les viandes : coqs de bruyère, faisans ou dindes. Les volailles devaient d'abord s'attendrir dans le vent glacial, derrière la fenêtre. Puis on les plumait, les vidait et on préparait les viandes pour la rôtissoire. On les faisait macérer dans une marinade d'herbes et de sel. Avec le chapon, on préparait par contre un bouillon.

Pendant cette période, on mangeait bien peu. Alors que la maison était envahie du parfum des plats les plus variés, car on rôtissait, on sautait et on mijotait jour après jour des plats à la diversité inépuisable, il fallait pendant la même période s'interdire pratiquement de manger quoi que ce soit. La Semaine Sainte était, dans la tradition polonaise, un jeûne très strict. On ne mangeait alors que des pommes de terre (qui ne s'était généralisée sur les tables polonaises qu'au XIXème siècle) en robe des champs (on dit en polonais "dans leurs uniformes"), ou des galettes de farine de froment arrosées de miel. Le Vendredi Saint, on évitait également le lait et la crème. Le plat principal du déjeuner était le żurek avec des pommes de terre ou des harengs.

On disait après tout que "le carême est un remède aussi bien pour le corps que pour l'âme, et que les maîtres dans l'art de la vie spirituelle soulignent qu'il nous aide à dominer nos vices et nos bas instincts".

Jadis, dans les familles particulièrement pieuses, on ne mangeait ce jour-là que des tranches de pain grillé badigeonnées d'huile avec des oignons nouveaux ainsi que ce qu'on appelait des "moines" – craquelins découpés en dés et arrosés d'huile, ou des soupes : aux céréales ou à la bière. Par contre, dans la région de Poznan, en Grande Pologne, on mangeait le plus souvent du fromage blanc avec des pommes de terre, ce qu'on appelait le "gzik et pyry".

Ce "Gzik" n'était rien d'autre que du fromage blanc battu avec de la crème fraîche puis mélangé à de l'oignon ou de la ciboulette. On servait avec cette spécialité des pommes de terre (les "pyry" comme on les nomme à Poznan) cuites "dans leurs uniformes", ainsi que du beurre et du sel. Au moment de manger, on épluchait la peau des pommes de terre et on y ajoutait du fromage et une noisette de beurre.

Les authentiques plats de carême devaient se distinguer par leur simplicité, et donc par la rapidité de leur préparation et par la frugalité bon marché de leurs ingrédients. Il s'agissait bien sûr de manifester la modestie et la patience avec lesquelles on attendait le grand festin du dimanche de Pâques.

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